UN DRAGON DE MOINS

Le blé ondulait sous la caresse du vent, à moins qu'il ne s'inclinât devant le ton déclamatoire de la voix qui troublait la tranquillité du jour naissant:

-Sans loi dépérit cette terre Dans les affres d'un cruel mal Qu'un bras défie le sort amer Et restaure la règle idéale...

Le mulet du barde - frère Gilbert de Glockenspur - suivait un sentier de terre entre deux champs de blé. En cheminant, il récitait des vers qu'il inscrivait sur un vélin tendu sur une tablette, elle-même calée contre l'encolure du mulet.

-Vienne un pèlerin solitaire

Au pas d'un tranquille animal...

Le mulet et son cavalier croulaient l'un et l'autre sous les manuscrits et les rouleaux de parchemin. Ceux-ci s'entassaient dans les quatre sacoches qui battaient les flancs de l'animal ainsi que dans le sac de toile que le moine portait à sa ceinture. Gilbert réfléchit, tapotant ses lèvres du bout de sa plume. L'inspiration étant venue, il trempa la plume dans l'encrier et coucha deux nouveaux vers sur le parchemin:

-Satisfait de sa vie austère

Car sa quête est spirituelle...

Il avait prononcé « spiritualle », dans une tentative dérisoire pour faire rimer le mot avec « animal ». L'animal en question secoua la tête en soufflant par les naseaux d'un air de raillerie insultante. Gilbert lui décocha un regard noir:

-La critique est facile.

Il biffa néanmoins le dernier vers, mais cette correction ne parvint pas à apaiser le mulet qui se mit à braire en piétinant frénétiquement. La tablette de Gilbert heurta le sol avec un bruit sec tandis que l'encrier renversait son contenu sur sa composition. Il se cramponna aux rênes, s'efforçant de maîtriser l'animal.

-Holà! Merlin... Ce n'était quand même pas si mauvais. Holà!

En guise de réponse, Merlin lança une ruade qui envoya le moine rejoindre sa tablette. Gilbert atterrit soutane par-dessus crucifix dans le champ de blé, au milieu de ses manuscrits éparpillés.

Il se rassit d'un air aussi digne que possible et considéra avec sévérité sa monture qui tremblait de tous ses membres.

-Je ne suis pas d'humeur à supporter un de tes caprices, Merlin, gronda Gilbert.

Puis il entreprit de rassembler ses manuscrits sans plus se préoccuper de la frayeur manifeste du mulet... ni de sa cause. Il ne remarqua ni le bruissement des feuilles dans son dos ni le serpent de fumée qui glissait vers lui entre les tiges.

Inconscient du danger, il brandit un rouleau de parchemin en direction du mulet terrifié:

-J'admets que jusqu'ici ma quête a été plutôt infructueuse, pour ne pas dire mortellement ennuyeuse. Mais songe à son noble but... Quelque chose va bientôt arriver!

Il ne croyait pas si bien dire.

Comme il gesticulait, le parchemin resta accroché derrière lui. Il se retourna et se trouva alors environné de fumée. En toussant, il agita la main afin de la chasser et heurta quelque chose... Un croc étincelant sur lequel était fiché son manuscrit. Un croc d'une longueur interminable, comme il le constata en voulant récupérer son bien, prolongeant un mufle couvert d'écaillés et un naseau fumant. En arrière du mufle, un œil reptilien le regardait fixement à travers le blé et la fumée.

Un filet de salive s'écoula sur les doigts tremblants de Gilbert. Horrifié, celui-ci éloigna sa main alors que s'élevait un grondement à faire trembler les blés.

Gilbert s'écroula au sol en geignant, évitant de justesse le jet de flammes qui lui frisa la tonsure et s'abattit aux pieds de Merlin.

Poussant des hi-han paniqués, le mulet fit volte-face et fonça tête baissée dans le blé. Gilbert imita aussitôt son exemple, cherchant un abri illusoire dans le champ embrasé.

En jetant un regard par-dessus son épaule, il vit son poursuivant s'élever au-delà des épis de blé, de plus en plus haut. La tête dressée, il surveillait sa proie de son œil valide, l'autre étant recouvert d'une taie blanchâtre. Ses côtes transparaissaient sous sa peau balafrée. S'il agitait encore les ailes, c'était par pur réflexe car les membranes en étaient tellement déchiquetées qu'elles ne volaient plus depuis sans doute bien longtemps. Coincées entre ses dents restantes, on distinguait des tiges de blé mâchouillées - pas étonnant que le pauvre bougre soit si maigre! La bave aux lèvres, il clopinait après sa proie sur des jambes grêles.

Serrant ses précieux manuscrits sur sa poitrine, Gilbert courait droit devant lui, couchant les épis sur son passage. Le feu se propageait vivement et la fumée l'égarait. Il percevait derrière lui la présence de son poursuivant, entrevoyait par instants des écailles, un bout d'aile ou de queue fouettant le vide, un œil terrible fixé sur lui.

La fumée était à présent aussi dense qu'un épais brouillard et le monstre semblait être partout autour de lui, devant lui, fonçant droit sur lui...

Gilbert tenta de s'arrêter net, mais ses sandales dérapèrent sur le sol. Un objet long et acéré venait de percer le rang de blé juste devant lui! Ni griffe ni croc mais une lance. Poussant un gémissement, le moine affolé se jeta sur le sol dans un envol de manuscrits et de prières fébriles.

-Jésus!

Gilbert se signa et enfouit son visage dans ses mains, attendant l'inéluctable. Voyant qu'il n'était pas embroché, il risqua un regard à travers ses doigts et constata que la lance avait juste effleuré son épaule avant de se planter dans la terre meuble derrière lui. Puis il vit un cavalier fondre sur lui à travers un mur de blé. Gilbert blêmit; à tout prendre, il aurait préféré être transpercé plutôt que piétiné. Mais le chevalier arrêta son coursier à quelques pas de lui et arracha sa lance du sol, lui décochant au passage un regard peu amène.

Le cœur déjà pantelant de Gilbert faillit crever sa poitrine à la vue de l'emblème décoloré - l'épée à l'intérieur du cercle - ornant le surcot dépenaillé du chevalier. Jusqu'ici, il ne l'avait jamais vu que sur des enluminures ou des tapisseries anciennes, ou décrit dans ses livres et ses parchemins... Souvenir d'un âge défunt, objet des rêves et des regrets des historiens et des poètes tels que lui.

Pour être tout à fait honnête, Gilbert aurait espéré un plus digne représentant de l'Ancien Code. Cette épave humaine, hirsute et mal rasée, était bien éloignée de l'idéal de chevalerie qu'il s'était forgé. Mais, moyennant un bon coup de peigne, un brin de toilette et des habits neufs, il aurait été assez présentable. En plus de son surcot en loques, il portait une cotte de mailles défraîchie, des hauts-de-chausses rapiécés et des bottes éraflées.

Son cheval et lui-même transportaient un véritable arsenal: estoc, lance, arc et flèches, massue, hache d'armes et bouclier. Celui-ci témoignait tristement de son activité en arborant une collection impressionnante de griffes de dragons.

-Imbécile! pesta-t-il. Qu'est-ce que tu fais là?

-Dra... dra... drag... bégaya Gilbert.

-Où? s'impatienta le chevalier.

Gilbert indiqua la direction avec le rouleau de parchemin qu'il serrait dans sa main tremblante. Au même instant, les rangs de blé derrière eux parurent cracher des flammes dont le reflet se peignit sur leurs visages.

Gilbert poussa un cri strident, le chevalier lança son cheval à travers la fumée à la poursuite du dragon qui venait de disparaître derrière une hauteur.

Gilbert s'aperçut alors que le souffle brûlant du dragon avait enflammé le parchemin qu'il tenait toujours à la main. Il souffla dessus, puis le roula dans la terre afin de l'éteindre.

Un hurlement de douleur le fit brusquement se relever. Tout le champ bruissait d'une agitation frénétique et la fumée de l'incendie emplissait le ciel. La queue du dragon fouetta l'air puis retomba. Le blé se mit alors à trembler devant Gilbert. Quelque chose venait vers lui!

C'était le cheval, sans son cavalier. Gilbert tomba à genoux.

Sa prière fut exaucée: le chevalier était vivant, du moins pour le moment. Il se releva en prenant appui sur sa lance plantée à la verticale.

Un grondement terrifiant s'éleva, des convulsions furieuses firent trembler le manche de la lance au point que le tueur de dragon lâcha prise et disparut à la vue de Gilbert.

Celui-ci approcha, se guidant sur les remous du blé. Il y eut un râle, puis plus rien... Plus d'agitation, de trépidations ni de turbulences.

Le moine s'arrêta et tendit l'oreille. Pas un bruit. Encouragé, il risqua un coup d'œil entre deux tiges de blé... et vit la patte du dragon se dresser brusquement devant lui!

Gilbert fit un bond en arrière, chuta et releva la tête juste à temps pour voir la patte griffue se crisper, osciller dans l'espace puis retomber dans sa direction. Une griffe frôla le visage horrifié de Gilbert, trancha le cordon de sa ceinture et s'écrasa au sol entre ses jambes écartées, à quelques centimètres à peine de cette partie de lui-même qu'il désignait par euphémisme sous le nom de « bâton de vie ». Bien sûr, en tant que moine, il n'avait pas l'occasion de l'utiliser en tant que tel, aussi n'occupait-elle pas une place prépondérante dans son anatomie. Toutefois, elle pourvoyait à certaines fonctions naturelles qui auraient pu pâtir de sa mise hors d'usage; aussi se réjouit-il de ce que la griffe du dragon l'ait en définitive épargnée.

Il considéra longuement la patte inerte et trouva enfin le courage de la toucher du doigt. Elle resta sans réaction.

-Il est mort, moine.

Le chevalier émergea de la fumée, debout sur le dos de la bête morte. Sa poitrine se soulevait encore des efforts qu'il venait de faire. La sueur et le sang sur ses joues et son front étincelaient sous l'action conjuguée du feu et du soleil. À présent, il avait toute la prestance d'un chevalier de l'Ancien Code. Le moine se releva tandis que le chevalier sautait à terre.

-Magnifique! Merveilleux!

Porté par son enthousiasme, Gilbert entreprit de rassembler ses manuscrits épars tout en s'efforçant de renouer sa ceinture.

-Un acte héroïque, digne d'Arthur et de la Table Ronde. Jamais je n'ai vu une telle adresse!

-C'est que tu as mené l'existence retirée qui sied à un homme d'Église.

L'ombre d'un sourire vint briser le masque austère du chevalier. De la pointe de son épée, il tâtait la poitrine du dragon.

-Je suis également scribe, historien et poète.

Gilbert s'inclina, laissant tomber quelques parchemins, et le nœud de sa ceinture se défit à nouveau.

-Frère Gilbert de Glockenspur, pour vous servir... messire...?

-Bowen, répondit le chevalier en relevant les écailles qui recouvraient le cœur du dragon.

-Messire Bowen, ma modeste personne doit son salut à votre prouesse inégalable, votre stupéfiante bravoure et votre épée superbe...

-Tu montres un don tout poétique pour l'exagération.

-Oh! Messire, vous devriez lire mes chroniques! Mais vous dépréciez votre propre talent. C'est une grande victoire pour vous-même et pour le Seigneur!

-Je Lui en laisse volontiers la jouissance.

Bowen passa la main sur le poitrail pâle et lisse qui paraissait sous les écailles du dragon, le seul endroit de son corps qui ne fût pas couturé de cicatrices, puis il examina ses ailes trouées d'un air las et dégoûté:

-Ce meurtre n'a rien de glorieux.

-Aussi modeste que valeureux, s'extasia Gilbert. Le Code de l'Ancienne Camelot n'est donc pas mort.

À ces mots, le chevalier releva vivement la tête, puis son regard hostile se teinta de tristesse. Secouant la mélancolie qui l'avait envahi d'un sourire sardonique, il trancha la plus longue griffe de la patte droite du dragon avec son épée.

-Ce n'est pas modestie de ma part, moine.

Un liquide rougeâtre et visqueux suintait de la patte mutilée; une fois mort, les blessures d'un dragon n'émettaient plus de lumière.

-Je n'ai fait que hâter le terme du voyage de cette relique de Satan. Il était malade et affamé... Bah! cela fait toujours un dragon de moins.

-Et de la viande pour tout un mois!

Le moine et le chevalier se retournèrent d'un même mouvement. Un paysan en haillons les dépassa en courant et se hissa sur la carcasse du dragon, suivi de plusieurs autres, tous armés de couteaux. Telle une nuée de vautours, ils eurent tôt fait de dépouiller le cadavre de ses écailles et de le dépecer. Ce rituel traduisait un tel désespoir que Gilbert en eut l'estomac chaviré. Tout aussi horrifié, Bowen se précipita pour les arrêter:

-Non! Êtes-vous fous? Il ne faut pas manger de cette viande; elle est infecte.

-Erreur, chevalier, dit un vieillard en mordant dans une tranche de viande crue. Elle est excellente!

Le sang épais du dragon dégoulinait sur son menton. Écœuré, Bowen secoua la tête:

-Il ne peut rien venir de bon d'un dragon...

Il fut interrompu par un bruit de galop. Un seigneur coiffé d'un ridicule chapeau à plume accourait vers eux sur un cheval richement harnaché, flanqué de trois hommes d'armes.

-Pas question de vous goinfrer tant que vous n'aurez pas éteint ces feux, tas de lambins! cracha-t-il d'une voix stridente. Repoussez-les vers les champs! reprit-il à l'adresse de ses sbires.

-Bien, lord Felton!

Les trois ruffians chargèrent les affamés et les éloignèrent de la carcasse en les frappant de leurs cravaches et du plat de leurs épées. D'autres paysans étaient déjà descendus du village afin de combattre les feux.

Felton pointa un index impérieux et emperlé vers le champ enfumé:

-Si le blé du roi Einon brûle, vous grillerez avec lui!

Pendant que les trois sbires repoussaient les paysans vers le feu, Bowen s'approcha de l'arrogant seigneur.

-Ne les laissez pas manger de cette viande, insista-t-il. Elle est infecte.

-Elle est toujours assez bonne pour leurs palais grossiers, répondit Felton, balayant les inquiétudes de Bowen d'un sourire blasé. Ces manants ne sont pas des gourmets, messire.

-Ils n'en ont pas les moyens, milord, risqua Gilbert en ramassant ses manuscrits. Les temps sont durs.

-Pas pour tout le monde, bâilla Felton en faisant faire demi-tour à son cheval.

-Ils le sont pour moi, dit Bowen en le retenant par le licou.

-Oh! non, messire, protesta Felton en souriant. Pas pour un chevalier aussi adroit que vous.

-Certes, milord, approuva Gilbert avec un enthousiasme exubérant. L'adresse de messire Bowen ne connaît point de rivale!

Bowen lui lança un regard noir, apparemment mécontent de cette avalanche de louanges.

-Messire Bowen, hein? Merci, moine. Je parlerai de vous au roi, messire Bowen. Vous pouvez compter sur notre gratitude... et sur celle du roi Einon.

De nouveau, Felton fit mine de partir mais Bowen le retint encore:

-Je n'ai que faire de votre gratitude, mais je me satisferai de votre or... ou de celui du roi.

Felton haussa les sourcils et considéra la main de Bowen sur le licou de son cheval. Son sourire ne l'avait pas quitté, mais il s'était durci.

-De l'or, chevalier?

-C'est ce dont nous étions convenus! Une pleine bourse d'or pour chaque dragon tué.

Décidément, l'épée qui ornait le surcot du chevalier était bien décolorée... Ce discours mercenaire chagrina Gilbert. Un chevalier digne de ce nom combattait pour la gloire, non pour l'or.

-Votre honneur a donc un prix? lâcha-t-il, incapable de dominer sa déception.

-En tout cas, il me coûte cher! lui retourna Bowen, furieux. Ce n'est pas lui qui m'emplit la panse, qui ferre mon cheval ou entretient mon armure. Tout ce que je demande, reprit-il à l'adresse de Felton, c'est qu'on rémunère mes services à leur juste prix.

-Le moine a raison, fit Felton en arrachant ses rênes à Bowen. En tant que chevalier de ce royaume, il est de votre devoir de protéger les vassaux d'Einon.

-Je n'appartiens pas à ce royaume! Je n'ai pas juré allégeance à Einon.

-Ah! Encore un de ces vagabonds qui sèment le désordre dans nos campagnes, dit Felton avec une moue méprisante. Dans ce cas, passez votre chemin avant que je ne vous arrête pour... pour...

Pour quoi? Gilbert attendit la suite avec curiosité. Bowen n'avait commis aucun délit. Felton désigna le dragon mort, faisant étinceler ses bagues au soleil:

-Pour avoir braconné le gibier du roi!

Felton retrouva subitement son sourire, ravi de sa trouvaille. Scandalisé, Gilbert s'avança pour protester mais Bowen le retint d'une main plaquée sur la poitrine. Un sourire crispé flottait sur ses lèvres. À le voir tripoter la garde de son épée, Gilbert comprit qu'il lui démangeait de donner une leçon à ce freluquet de Felton. Mais les hommes d'armes de celui-ci, en ayant terminé avec les paysans, s'approchèrent afin de donner plus de poids aux menaces de leur maître. Voyant cela, Bowen partit d'un grand rire, s'inclina devant Felton puis il tourna les talons et se dirigea vers son cheval qui paissait un peu plus loin.

-Je parlerai néanmoins de vous au roi, messire Bowen, lui lança Felton d'un ton qui laissait supposer que ce ne serait pas en bien. Comme vous le voyez, je n'ai pas oublié votre nom.

-Vous avez une excellente mémoire, lord Felton, railla Bowen. Je me demande si celle d'Einon sera aussi bonne, ajouta-t-il mystérieusement.

Gilbert fut brusquement distrait par une bourrade dans son dos. C'était Merlin qui venait lui flairer le cou. Il prit les rênes du mulet et s'approcha de Bowen qui se hissait en selle.

-Pardonnez-moi d'avoir mis en doute votre probité, messire chevalier, s'excusa-t-il. Mais nous vivons des temps tellement troublés...

-Tu l'as remarqué?

D'un sourire las, Bowen signifia au moine qu'il lui donnait l'absolution.

-Vous m'avez sauvé la vie, reprit Gilbert en plongeant la main dans un des sacs pendus à sa selle. Permettez que je partage avec vous les aumônes des cœurs charitables...

D'entre les manuscrits roulés, il tira deux pièces de monnaie qu'il présenta à Bowen sur la paume de sa main. Le chevalier regarda d'abord les pièces, puis le moine d'un air de gratitude émue. Il se pencha mais au lieu de prendre les pièces, il replia les doigts de Gilbert et repoussa doucement sa main.

-Je ne suis pas tombé si bas que je doive voler l'argent de l'Église.

Les yeux de Gilbert tombèrent alors sur l'épée à l'intérieur du cercle. En définitive, ses couleurs n'étaient pas si fanées... Il ne pouvait pas laisser le chevalier partir ainsi; il fallait qu'il lui parle. Ils étaient si rares, les rêveurs dans son genre... Comment un homme aussi jeune avait-il pu embrasser un idéal aussi ancien?

-N'y voyez aucune insulte, messire. J'ai de la farine, de la viande de mouton et un certain talent culinaire. Vous plairait-il de partager mon dîner?

-Ce soir, je serai déjà loin d'ici.

-Moi aussi. J'accomplis un pèlerinage.

Traînant Merlin par la bride, Gilbert trottinait au côté de Bowen, lequel poussait son cheval à gravir le talus menant à la route.

-Permettez-vous que nous voyagions ensemble?

-La route est à tout le monde, à moins qu'Einon ne fasse payer le passage.

Cette dernière pique était adressée à Felton, devant lequel Bowen s'était trouvé obligé de passer. Son cheval franchit d'un bond la crête du talus, tandis que Gilbert se hissait sur le dos de Merlin et l'excitait des deux talons. Il inclina brièvement la tête en passant devant Felton. Le seigneur répondit à son salut d'un mouvement distrait de la main tout en suivant Bowen d'un regard à la fois pensif et étonné.

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